MONSTRUM, une approche littéraire.
- Beatrice Schultz
- il y a 2 jours
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Le sens originel en latin désigne “un prodige qui avertit de la volonté des dieux”;
par la suite il désigne un “objet ou être
de caractère surnaturel”, “monstre”.
Grand poème romain de la mythologie, oeuvre d’un esprit fasciné par les
passions humaines et attaché à décrire les manières dont elles dévorent les âmes au
point de s’imprimer dans les corps, Les Métamorphoses d’Ovide sont par leur essence
même, jalonnées d’histoires souvent cruelles et peuplées d’une foule de figures
physiquement ou moralement monstrueuses. Une relation se noue très vite entre
monstruosité ( physiologique ou métaphorique) et métamorphose et prend des formes
multiples.
Ovide compose son épopée mythologique au tout début du Ier siècle sous le règne
de l’empereur Auguste , siècle favorable au développement des arts, notamment de la
littérature avec des poètes tels Horace et Virgile qui propagent une culture, un
patrimoine commun. Ovide choisit de mettre en scène des métamorphoses dont il puise
l’origine dans les récits mythologiques, épiques et dans les tragédies.
Mais le poète a métamorphosé l’épopée, la poésie et la tragédie en un récit
unique et complexe dont la réécriture est le point commun, pour donner une vision du
monde. Il puise dans les légendes grecques et fait défiler deux cent trente et une histoires
de métamorphoses, depuis le chaos primitif jusqu’au règne d'Auguste. L’amour, dans
cet ouvrage foisonnant, constitue le ressort principal de la plupart des histoires
renouant ainsi avec le genre noble, métamorphoses de l’épopée ou épopée des
métamorphoses, “ épopée cosmogonique”. Il manie le mélange des registres et des
tonalités (élégiaque, tragique, pathétique, épique) et la logique narrative échange
souvent avec l’esthétique théâtrale.
De plus, il arrive fréquemment qu’Ovide mesure sa plume au pinceau du peintre.
De ce point de vue, la métamorphose confronte peintres et poètes à des questions
d'ordre esthétique et le terme d' “imago” qui la désigne traduit bien sa dimension
visuelle: comment figurer le glissement des états, le passage vers l’animalité? Ovide
parvient à saisir l’infime instant où une forme bascule dans une autre. Inversement, les
pétrifications d’animaux ou d’humains exploitent, comme ce loup de Pélée devenu
marbre (XI) des effets de statuaire.
La présence des êtres hybrides met au jour la merveilleuse variété du
monde. Les Métamorphoses relèvent en ce sens des “mirabilia”, des merveilles suscitant
l’étonnement, mêlé à l’admiration, à la crainte ou à l’’effroi. Elles exaucent parfois des
désirs humains réputés impossibles: la descente d’Orphée (X) correspond au désir
insensé du voyage dans l’au-delà, le mythe de Pygmalion à celui de la fabrication de
statues animées (X).
Le merveilleux provoque un sentiment ambivalent lié à la subjectivité de la
perception, tel fait insolite pourra être jugé monstrueux par les uns , prodigieux par les
autres.
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