David Saunders à LA GALERIE 09
CE QUE LA PEINTURE SEULE PEUT DIRE, DAVID SAUNDERS
ŒUVRES 2014-2016
Lycée Gabriel Fauré – 1 septembre- 19 octobre 2016
« The poetry of a painting must appear without the artist’s being aware of it » Baudelaire
L’art qui intéresse David Saunders est un art expérimental. Ainsi, sa recherche picturale s’apparente à la randonnée : savoir se perdre et découvrir son propre chemin, « celui que seule la peinture peut dire ». Il s’engage de fait dans un processus d’acquisition d’expérience toujours renouvelé depuis ses débuts à Londres dans les années 1960 où il appartient à ce courant historique que l’on nomme l’Abstraction géométrique. Cherchant dans l’acte pictural un équilibre entre harmonie, découverte et plaisir, il nous présente aujourd’hui ses dernières recherches qui nous font entrer dans un monde qu’il qualifie lui-même de « romantique ». Effectivement, cinquante années de connivence avec la peinture lui ont permis de faire évoluer son abstraction vers un lyrisme qui se traduit par des entrecroisements de lignes, de fragments colorés et d’espaces blancs indéfinis. Ce ne sont plus les Constructivistes qui l’inspirent dorénavant mais la sensibilité de Baudelaire pour la couleur et pour l’imagination, telle qu’il l’exprime dans le Salon de 1846, ou la poésie d’Yves Bonnefoy « Psyché devant le château d’amour » :
Puis il se réveilla ; Qu’est-ce que la lumière ?
Qu’est-ce que peindre ici de nuit ? Intensifier
Le bleu d’ici, les ocres, tous les rouges,
N’est-ce pas de la mort plus encore qu’avant ?
La trace est une dimension essentielle de sa pratique. Elle se présente aussi bien sous la forme de l’empreinte, fragile, sombre, s’inscrivant en creux sur la surface crayeuse, que prenant l’aspect de la tache, du pan coloré. Le geste est retenu comme suspendu. Par ces jeux de lignes interrompues et d’accords colorés en contrepoints, David Saunders cherche à rendre visible l’invisible. Tout est mouvement et vibration dans cette peinture affirmant en cela les valeurs de la modernité définies par Baudelaire comme l’éphémère, le transitoire et la contingence. Tout est aussi lumière ! Intensité des contrastes de valeurs, nuances imperceptibles ou tons saturés, chaque parcelle de l’espace pictural, donné pourtant sur de petits formats, exacerbe notre sensibilité et amplifie notre capacité de perception.
Cette exposition à Foix, tout comme la présence de l’artiste en terre ariégeoise, ne relève pas du hasard. David Saunders s’intéresse à cette terre de résistance emplie de la mémoire des cathares mais aussi des Guerilleros ; mémoire qui s’affirme dans cette peinture d’autant plus abstraite qu’elle est justement chargée d’Histoire.
Michèle Ginoulhiac Baudeigne, pour LA GALERIE
Yves Bonnefoy, « Psyché devant le château d’amour »
Il rêva qu'il ouvrait les yeux, sur des soleils
Qui approchaient du port, silencieux
Encore, feux éteints; mais doublés dans l'eau grise
D'une ombre où foisonnait la future couleur.
Puis il se réveilla.
Qu'est-ce que la lumière?
Qu'est-ce que peindre ici, de nuit?
Intensifier
Le bleu d'ici, les ocres, tous les rouges,
N'est-ce pas de la mort plus encore qu'avant?
Il peignit donc le port mais le fit en ruine,
On entendait l'eau battre au flanc de la beauté
Et crier des enfants dans des chambres closes,
Les étoiles étincelaient parmi les pierres.
Mais son dernier tableau, rien qu'une ébauche,
Il semble que ce soit
Psyché qui, revenue,
S'est écroulée en pleurs ou chantonne, dans l'herbe
Qui s'enchevêtre au seuil du château d'Amour.