VÉGÉTALITÉ: REGARDS CROISÉS ART ET SCIENCE
Jean Yves Léna
Commissariat scientifique de l’exposition
MCF Science et vie de la terre – INSPE Université Toulouse 2 Jean Jaurès.
Entouré par de grands arbres ou de petites herbes, cheminant dans une luxuriante forêt ou dans une maigre steppe Homo Sapiens, dès ses débuts, fut au contact du végétal. Celui-ci lui offrant aliments, remèdes, abris, matériaux, parfois outils. Ainsi omniprésentes ou discrètes les plantes n’ont cessé d’accompagner les humains. Vivants dans des lieux de plus en plus artificialisés, entourés d’objets hyper connectés, occupés par son travail, sa mobilité ses loisirs et très sollicités par de multiples écrans l’homo sapiens moderne est dorénavant de moins en moins en contact avec le végétal. Il s’en est fermement éloigné. Pourtant les sciences n’arrêtent pas de nous dire tout ce que nous devons précisément aux plantes. Le di-oxygène que nous respirons provient majoritairement de la photosynthèse végétale. Rosaceae (pommier, aubépine, fraisier …), solanaceae (aubergine, tomates, …) font partis des 413 grandes familles de plantes à fleurs actuellement recensées qui constituent le premier maillon auto-trophique de notre chaîne alimentaire. Les végétaux représentent plus de 99 % de la biomasse terrestre, nous passons chaque jour à leurs côtés et rarement nous leur accordons la petite attention pourtant nécessaire pour construire une véritable relation avec elles.
Plante compagne ou plate campagne c’est à nous de choisir.
Michèle Ginoulhiac
Présidente de l’association Lagalerie09
Végétalité présente un ensemble de planches d’herbier et d’œuvres afin de faire se rencontrer les regards scientifique et artistique portés sur le végétal ; ils sont complémentaires. Estelle Zhong Mengual explique : « Notre œil est relationnel, c’est-à-dire que ce que nous percevons du monde vivant émerge de nos pratiques à son égard. » Le scientifique aborde le végétal pour le comprendre et le préserver, sa pratique est le classement, il nomme ; la connaissance est son objectif. Ainsi les quelques planches présentées dans l’exposition issues des herbiers de l’École Normale d’instituteurs, de Christian Maugé et de Brigitte Goulesque traduisent cette rigueur de la rencontre. Pourtant, les plantes ayant séchées, elles se sont amenuisées traçant une composition graphique dans l’espace de la feuille, nous pouvons les voir comme d’élégants dessins. Le plasticien cherche à rendre compte pour le spectateur de l’expérience esthétique qu’il a vécue avec/grâce au végétal. L’intérêt de réunir quatre plasticiennes est la diversité de leurs pratiques : Marianne Fabre représente minutieusement à l’aquarelle ce que l’herbier ne peut plus nous montrer, les volumes, les couleurs, l’intérieur de la plante ; Carole Nouet prélève de l’herbier le pétale d’arum, l’éprouvant comme support avec l’encre de chine ; Sophie Esteulle s’attache à exprimer par la gravure et les monotypes le foisonnement des herbes folles – pâturin, orge, folle avoine ; Bridget Shéridan explore la mémoire liée au myosotis et à l’édelweiss ou sollicite notre perception à travers ses photographies en très gros plan d’orchidées.
L’exposition est un éveil sensible à l’intelligence du végétal.
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