“Ce qu'ils disent du paysage”, Un point de vue littéraire… par Béatrice GABEN-SCHULTZ
Suivons le vagabondage rimbaldien dans un paysage qu'il anime “égrenant des vers” où le poète Voyant déchiffre la quintessence du monde, et crée une fantaisie onirique.
“J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins: à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine où je l'ai dénoncée au coq. À la grand-ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.” ( Arthur Rimbaud “Aube”1874)
Il a réveillé “les haleines vives” de la montagne et la déesse Nature lui apparaît lui révélant le langage des choses. Le Voyant découvre le monde…
Déjà dans le poème cosmique des fugues initiatiques “Ma Bohème” (Fantaisie, 1870) planait le pouvoir orphique de la poésie, celui de rendre vivant.
“Mon auberge était à la Grande-Ourse.
-mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou”
On voit et on entend vibrer les étoiles dans la Nuit de Van Gogh, notre sensibilité en perçoit le “vivant”, le symbole, le mystère. Le réel devient surréel.
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